Différant à parler de la première joie, qui est intérieure, et qui accompagne toujours celui qui vit bien, de laquelle je traiterai en la sixième Partie de ce premier Tome ; je ne m’arrête ici qu’à la seconde, et prouve en ce paragraphe, que tant s’en faut qu’on défende aux âmes vertueuses ces honnêtes récréations corporelles, que plutôt on les leur conseille, et on se plaint si elles les refusent, et se bandent trop l’esprit. […] qui regarde l’intention, je ne veux pas ici disputer, à savoir si celui qui joue seulement pour avoir le plaisir du jeu, ou seulement pour gagner au jeu, pèche ; je me contente de dire, qu’ayant déjà souvent instruit l’âme Chrétienne à faire tout ce qu’elle fait avec esprit, et conformément à la raison qui regarde le bien honnête, plutôt que l’utile et le délectable ; elle gardera le même avis en cette-ci, puis qu’elle est obligée de ne faire rien que par la conduite de la droite raison, rapportant le tout à une fin honnête ; comme j'ai déclaré plus amplement au Chapitre sixième de cette seconde Partie, quand j'ai parlé des occupations : et en la première Partie, au Chapitre second, parlant de l’intention. […] Jouant avec trop d’affection, car pour honnête que soit une récréation, c’est vice d’y mettre son cœur, et son affection ; c’est dire, la désirer trop, s’y amuser, et s’en empresser ; il y a d’autres objets à affectionner bien plus relevés que celui-là : ce n’est pas qu’il ne faille prendre plaisir à jouer pendant que l’on joue, car autrement on ne se recréerait pas ; mais il ne faut pas y mettre son affection excessive. […] Le troisième ; si pour complaire, et condescendre à l'honnête conversation en laquelle vous serez, la prudence vous dicte, qu’il faut vous trouver au lieu où l’on danse, et danser avec les autres, vous le pouvez faire, mais avec ces circonstances. […] Ayez une pure intention, comme ès autres actions indifférentes, de plaire à Dieu, et de l’honorer en cela, soit par la modestie que vous témoignerez, soit par l’habilité et industrie à faire cette action selon la bienséance, et conformément aux règles de l’art ; et aussi de faire quelque exercice corporel, et cette honnête récréation, pour puis après servir à Dieu, avec plus de vigueur de corps, et d’esprit.