Mais, je le répète, voila quels doivent être nos Acteurs, pour ne plus être dangereux, si nous ne voulons pas ennoblir & légitimer le Comédisme : il faut, ou qu’ils soient honnêtes, nos frères, nos égaux, nos amis ; bien plus, des Citoyens, élevés au-dessus du vulgaire, par leur mérite, leurs grâces, leurs talens ; que leurs mœurs soient les plus honnêtes ; qu’ils soient réellement des modèles enchanteurs : ou que les Comédiens soient si bas, qu’on ne puisse sans rougir descendre jusqu’à eux ; qu’avec une pureté de mœurs volontaire ou forcée, les Actrices soient pourtant avilies, & nous obligent, lors de la Représentation, à ne voir que l’Héroïne, parce qu’il ferait trop desagréable d’arrêter ses yeux sur l’être dégradé qui lui prête son organe : en un mot, qu’on voye le Comédien & la Comédienne presqu’aussi desintéressément que s’ils étaient des automates. […] Des Pièces tendres, jouées par des femmes honnêtes, pourront bien disposer l’âme à la tendresse, mais ne la porteront ordinairement pas au libertinage : ajoutez que des Pièces peu répétées captiveront toute l’attention du Spectateur. […] Cet excellent Acteur rend supérieurement quelques rôles de fripon : mais dans ceux d’honnête bonhommie des Drames nouveaux, on sent qu’il joue d’après son cœur, & les larmes qu’il fait verser sont délicieuses.