Vous avez négligé cette voie, qui pouvoit seule vous apprendre la vérité ; un homme, dites-vous, ne doit pas s’exposer sur une rivière, & dans un endroit où il court risque de se noyer, avant d’avoir fait une juste information ; mais que croyez-vous qu’il doive faire après s’être exactement informé ? […] C’est justement le cas où vous vous trouvez, Monsieur : il falloit examiner par vous-même ; on ne voit jamais bien par les yeux des autres ; on ne peut rapporter les choses que selon l’idée qu’on s’en forme, & nos sensations sont toutes différentes : d’ailleurs, il est difficile de trouver un homme désintéressé : enfin vous deviez vous exposer au danger, si vous vouliez remporter une gloire solide & méritée. Ne dites point avec saint Augustin, qui amat periculum, in illo peribit : car ce danger ne peut rien sur un homme sensé, qui, débarrassé du joug des passions, porte au spectacle un esprit vertueux ; souvenez-vous enfin, Qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. […] En vérité, Monsieur, un amour malheureux, puni par un supplice aussi cruel, loin d’applanir aux hommes le sentier du crime, est bien plutôt capable de les en détourner. […] Si cet homme est capable de réflexions, s’il fait un juste parallele de sa situation & de celle d’Oreste, ne craindra-t-il pas le même sort que lui ?