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284. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

Je consens très-volontiers qu’on regarde le goût que la plûpart des gens d’esprit ont pour la Peinture, pour la Sculpture, pour la Musique, pour les Fables, comme une des preuves du plaisir qu’ils prennent à l’Imitation, pourvu néanmoins qu’on y joigne toujours cette impression d’un ordre supérieur que les choses mêmes qui sont imitées font sur notre ame ; mais j’aurois plus de répugnance à mettre l’Histoire dans le même rang. […] Si je parlois donc de l’Histoire en traitant cette matiere, il me semble que je n’appliquerois ce qui regarde le plaisir propre à l’Imitation, qu’aux ornements & à ce qu’on peut appeller l’accessoire de la narration, je veux dire, à la beauté du style, aux harangues, aux descriptions, aux portraits, où l’Historien se donne la liberté d’entreprendre sur l’Art du Peintre, & quelquefois sur celui du Poëte même, Verba prope Poetarum , comme Ciceron le dit des Orateurs. […] Je pourrois m’étendre ici sur les conséquences que je tirerois aisément de la distinction de ces deux différentes especes de plaisir ; & c’est par-là que j’expliquerois sans peine pourquoi les Tableaux d’Histoire nous plaisent davantage que les Paysages, ou que la Peinture des choses mortes, ou inanimées ; pourquoi l’on voit avec plus d’admiration le portrait d’un grand homme que celui d’un homme du commun, quoique l’un & l’autre portrait soient également parfaits ; enfin pour revenir à la matiere présente, par quelle raison la Tragédie fait des impressions plus profondes & plus pénétrantes que la Comédie.

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