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32. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VII. Fêtes de Théatre. » pp. 169-185

Voici quelques anecdotes qui embélissent la fête de Saint-Pons : le Secretaire de l’Evêque, saint Prêtre, & homme intelligent, fut choisi pour souffleur, il s’assit dans une coulisse, & delà souffloit aux acteurs dans le besoin, ce qui arrivoit souvent ; malheureusement il eut une distraction, & dans ce même tems, par le coup fatal du destin, l’acteur qui parloit en eut une autre, & perdit le fil de son rôle, n’étant pas aidé à propos, il demeura court ; c’étoit le Grand-Prêtre Joad, qui venoit de prononcer ce beau vers : Je crains Dieu, cher Abner, & n’ai point d’autre crainte , au désespoir de se voir arrêté, il y suppléa par un autre vers, car la colere suffis & vaut un Apollon  ; il dit haut, avec un zèle édifiant, quel ignorant souffleur ! […] & dès qu’il en paroît quelqu’un à Paris, d’un talent distingué, elle fait les plus folles dépenses pour l’attirer, ne fût-ce que pour quelques jours, ainsi fit-elle venir la célebre Gaussin, dont la conversion édifiante a réparé les scandales, ainsi depuis peu a-t-elle invité Bellecourt, acteur qui joue avec succès, dans le haut comique. […] Le seul qu’on ne lui donne pas, & qu’il mérite, est celui de Lieu de débauche, sa situation est avantageuse, on y arrive par une longue allée plantée d’ormeaux, & il est entouré d’autres arbres de haute futayé, dont le feuillage met à l’abri du soleil ; une magnifique salle s’éleve dans le fond ; l’architecture en fait honneur à l’artiste, & la décoration superbe & très agréable, en fait beaucoup au peintre, il y a de tous côtés des caffés bien distribués, on y trouve toutes sortes d’amusemens & de rafraîchissemens, & d’occasions de péché.

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