/ 288
54. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VIII. De la Folie. » pp. 163-179

Il n'y a pas jusqu'aux estampes du théâtre, jusqu'aux symboles dont il se fait honneur, par lesquels il se caractérise, qui n'arborent la folie : ces masques, ces cornes, ces habits bigarrés, ces épées de bois, ces attitudes, ces agitations, ces parures, ces décorations bizarres, ces coups de théâtre, etc. il semble qu'on soit dans le délire (on n'y est que trop en effet). […] Et n'est-ce pas un art divin que de savoir assortir des folies, mettre en œuvre des rêveries, à peu près comme de savoir faire un château de cartes et un habit de plumes ? […] Tous les interprètes pensent que David ne se dépouilla pas en entier, et ne parut pas nu devant le peuple et les femmes, qu'il quitta seulement ses habits royaux, son manteau de soie ou de pourpre, stola byssina, que lui donnent les Paralip.  1. 15. et ceignit sa tunique, qui était la chemise du temps, avec une ceinture de lin appelée ephed. […] De là des danses de toute espèce, légères, graves, majestueuses, badines, bouffonnes, etc. qui peignent les mouvements de l'âme, des danses de Guerriers, de Bergers, de Paysans, de Furies, de Dieux, de Démons, de Cyclopes, d'Indiens, de Sauvages, de Mores, de Turcs, qui caractérisent les professions et les peuples ; de là ces mouvements compassés de la tête, des pieds, des bras, des mains, etc. qui tous doivent se réunir de concert pour former les traits du tableau ; de là tous les divers habits et parures analogues à ce qu'on veut représenter, mais qui tous élégants, dégagés, propres, conservent et rendent saillante la taille et la forme du corps, qu'ils laissent admirer ; de là cette souplesse moelleuse, cette mobilité coulante, cette marche gracieuse, cette symmétrie des pas, ces figures entrelaçées, cette espèce de labyrinthe où à tout moment on se perd et on se retrouve ; de là ces innombrables combinaisons de plusieurs danseurs qui se cherchent, se fuient, s'embarrassent, se dégagent, se parlent par gestes, varient à tous les moments la scène, mais qui dans tous leurs mouvements les plus compliqués, toujours soumis au coup d'archet, semblent n'agir que par la même impulsion.

/ 288