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25. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE PREMIER. Comparaison des Théâtres anciens avec les modernes. » pp. 2-17

Il est donc évident que, dans son origine, dans ses progrès et dans son parfait établissement, la Comédie Grecque se proposa toujours le même but, qui était la critique et la correction des mœurs. Cette espece de Comédie approuvée et établie parmi les Grecs, fut adoptée par les Latins : la première Comédie Latine était parfaite. […] A Rome, la jeunesse était plongée dans la débauche des Courtisanes et des femmes esclaves ; l’on en fit l’objet de la critique et de la Comédie du temps : en sorte que ce qui nous reste du Théâtre des Latins, ne nous fournit que des intrigues de cette espèce ; et, comme les vices sont de tout pays, Térence, en transportant sur le Théâtre des Latins quelques-unes des Comédies du Poète Grec Ménandre, a choisi celles dont le sujet roulait sur le libertinage des jeunes gens, comme les plus convenables aux mœurs des Romains. […] Il est donc vrai que l’on peut appeller le Théâtre moderne, dans son commencement, le triomphe du libertinage et de l’impiété, et depuis sa correction, l’Ecole des mauvaises mœurs et de la corruption ; d’où l’on peut conclure que le motif des Grecs, de critiquer pour corriger les mœurs, adopté et suivi par les Latins, a été entièrement abandonné par les modernes. Si les modernes n’ont pas été les premiers à imaginer des Comédies de caractère ; du moins, après les Grecs, ce sont eux qui, vers le milieu du siècle passé, les ont faites revivre en France : ce qui fit sentir qu’ils avaient enfin connu la nécessité de la critique des mœurs, et qu’ils allaient réparer la faute de leurs prédécesseurs, qui n’en avaient jamais fait usage.

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