la modestie & le recueillement des gens de bien à l’Église, les nudités, l’effronterie des Actrices sur la scène, la piété des cantiques, la sainteté des Sermons, & l’orgueil du tragique, la licence du comique ; l’un est l’ouvrage de la grâce, & mène à la vie, l’autre est le chef-d’œuvre du vice, & conduit à la mort. […] Les Lettres Juives 2 & 12 peignent ainsi le goût de la parure : les femmes & les petits maîtres le poussent à un point surprenant, un Général d’armée ne délibère pas avec plus d’attention dans un conseil de guerre sur le succès d’une bataille ; qu’une coquette examine avec ses femmes de chambre la bonne grâce de sa robe & de sa coëffure ; le succès d’une mouche placée au coin de l’œil pour le rendre plus vif, ou auprès de la lèvre pour la rendre plus vermeille, c’est une affaire qui mérite la plus profonde attention ; vingt miroirs sont consultés avant de choisir sa place. […] C’est l’amour & les grâces, c’est la vanité, c’est son amant, c’est le financier qu’elle ruine, le Seigneur qu’elle déshonore, le jeune homme qu’elle corrompt ; c’est le temple de Paphos, c’est pour ces Divinités qu’elle se pare ; ce n’est pas pour le vrai Dieu, pour le Sauveur du monde, ce n’est pas le culte qu’il demande, les ornemens qui l’honorent, les fêtes qu’il accepte, circumornatæ est similitudo templi . […] L’austérité de la Religion, la sainteté du Clergé, la gravité de la Magistrature, la valeur du guerrier ne rendent pas moins ridicule un visage efféminé, enivré des grâces de la parure, qui dans cet état respectable, autant que dans la tristesse du veuvage, le déshonorent & le défigurent plus qu’elle ne l’embélissent : bissus & purpura vitii fomites virtutis hostes . […] Si les Chaldéens venoient à nos théatres, ils n’entreroient pas moins librement chez nos Actrices sans craindre de se méprendre ; toute leur personne est une enseigne, & l’enseigne devient marchandise ; nos libertins, nos Chaldéens de Paris n’en sont pas moins persuadés, & ne s’y trompent pas, il y a des difficultés dans le prix : les commerçantes aussi avares qu’impudiques se mettent à l’enchère à proportion de leur mérite ; leur temps & leurs grâces sont à l’aune, & l’aune est à tant, selon la beauté de l’étoffe, l’ensoigne du rouge, des nudités, &c.