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8. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre I. Des Parfums. » pp. 7-32

Pour bien exécuter ce nouveau chant, on a construit un buffet d’orgues avec tous les tuyaux acoustiques ; à chacun des tuyaux on a adapté une phiole d’une liqueur spiritueuse dont le goût est gradué selon les proportions harmoniques ; chaque phiole a son orifice & une soupape qui s’ouvre ou se ferme selon qu’on lève ou qu’on baisse les touches du clavecin qui y répondent à la place des vents que donnent les soufflets de l’orgue ; la phiole laisse couler de sa liqueur, toutes ces liqueurs se rendent par un conducteur commun à un tuyau où celui qui veut savourer cette harmonie, doit mettre sa bouche pour recevoir les liqueurs à mesure qu’elles découlent ; quand ces liqueurs sont consonnantes, il s’en forme une de leur mélange qui a un goût admirable : ce goût, au contraire, est détestable si elles sont discordantes ; ainsi une main savante flatte agréablement le palais, une ignorante l’empoisonne, comme l’une flatte, l’autre écorche les oreilles. […] Mais dans l’homme, le goût pour les bonnes odeurs est aussi ancien & aussi étendu que le monde, quoiqu’infiniment diversifié dans les espèces & dans les degrés ; l’un aime une odeur pour laquelle l’autre a de la répugnance. […] Cette ridicule préparation du corps des femmes rappele les rafinemens outrés de ces gourmands qui font nourrir la volaille & le gibier avec du lait, du sucre, des pastilles, des gâteaux ambrés & parfumés pour leur en donner le parfum & le goût. […] Les Poëtes en font ce qui leur plaît ; ce seroit une peine fort inutile de vouloir les concilier, il est vraisemblable que ces mots nectar & ambroisie signifient seulement quelque chose d’un goût exquis & d’une odeur délicieuse. On donne le nom d’ambroisie à des compositions médicinales, ou pour s’accommoder à la délicatesse des Dames, on a ôtéaux remèdes l’odeur & le goût rebutant qu’ils ont ordinairement ; c’est un excès de luxe qui nuit à leur efficacité, & ne soulage point la maladie.

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