Il ne se trompe pas toujours quand il le contredit sur les qualités de l’Action & sur la Catastrophe, mais il peut avoir raison sans qu’Aristote ait tort, parce qu’il parle de ces choses suivant le goût de notre Tragédie, & sur l’expérience de ses cinquante années : au lieu qu’Aristote en parloit suivant le goût de la Tragédie Grecque, & suivant l’expérience qu’avoient faite les Poëtes de son tems. […] Quand nos Spectacles ne furent plus ceux du Peuple, leur caractere changea, & pour occuper des Spectateurs d’un autre goût, on traita les Sujets de la Fable, & de l’Histoire profane, & nos Poëtes durent avoir en les traitant des vues que ne pouvoit avoir un Poëte Grec. […] La nôtre est faite aussi pour des Spectateurs plus tranquilles, qui ayant du goût & des connoissances, aiment les choses qui les instruisent & les éclairent ; & nos Poëtes ont un beau champ pour les instruire, puisqu’ils ont l’Histoire entiere du monde. […] Que nous aurions de belles & d’utiles Tragédies, si nos deux grands Poëtes n’étoient pas venus dans un tems, où les Romans avoient répandu un goût frivole, & où l’on recevoit bien mieux Berenice que Britannicus !