Et si vos bons amis voulaient à présent se soumettre à la même condition, ou demander des Docteurs de Sorbonne pour l’examen de leurs Pièces, tant pour la Poésie que pour la représentation, qui quelquefois, et pour l’ordinaire est plus dangereuse que la Poésie toute seule : ces Censeurs pourraient par leurs soins mettre le Théâtre sur un bon pied ; mais il y a apparence qu’il n’y aurait pas tant de foule à la Comédie : car la plupart n’y cherchent que le plaisir qu’ils trouvent dans des paroles et des gestes peu honnêtes ; et les pièces purgées et châtiées par un Official ou par des Docteurs, ne seraient pas sans doute du goût de ces gens-là. […] Nous sommes dans un siècle où on aime la délicatesse, surtout dans le plaisir, et comme je vous ai déjà dit, il y a des gens qui ne cherchent pas tant de nouveaux plaisirs que de nouveaux ragoûts dans le plaisir : ainsi les saletés qui ont été goûtées dans un temps, ne le seraient pas présentement, et quand vous faites dire à votre ami que les Comédiens prient les Auteurs d’éviter ces saletés dans leurs Pièces, ce n’est pas tant par un esprit de pureté et de régularité que pour se conformer au goût du siècle. […] Quand il lui en a une fois donné l’envie, qu’elle y a été, qu’elle y a pris goût, le reste ne coûte plus rien au corrupteur, il s’est épargné de la peine ; les Acteurs ont soin de parler pour lui, et d’inspirer à cette jeune fille d’aussi tendres sentiments qu’il pourrait lui inspirer lui-même.