Tout à-coup la Religion, toujours reconnue & respectée de cet Homme de Lettres, mais combattue encore dans son ame par la fausse gloire, par l’habitude, par l’autorité des exemples, la Religion acheve de lui dessiller les yeux. […] Quelle force pouvoient avoir des réflexions involontaires contre l’empire de l’imagination & l’enyvrement de la fausse gloire ? […] Tel est le malheur attaché à la Poésie, cet Art si dangereux, dont l’Histoire est beaucoup plus la liste des fautes célèbres & des regrets tardifs, que celle des succès sans honte & de la gloire sans remords : tel est l’écueil presque inévitable, sur-tout dans les délires de la jeunesse ; on se laisse entraîner à établir des principes qu’on n’a point ; un vers brillant décide d’une maxime hardie, scandaleuse, extravagante : l’idée est téméraire, le trait est impie, n’importe, le vers est heureux, sonore, éblouissant, on ne peut le sacrifier, on ne veut que briller, on parle contre ce qu’on croit, & la vanité des mots l’emporte sur la vérité des choses.