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56. (1665) Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre « Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre » pp. 1-48

Je laisse là ces Critiques qui trouvent à redire à sa voix et à ses gestes, et qui disent qu’il n’y a rien de naturel en lui, que ses postures sont contraintes, et qu’à force d’étudier ses grimaces, il fait toujours la même chose ; car il faut avoir plus d’indulgence pour des gens qui prennent peine à divertir le public, et c’est une espèce d’injustice d’exiger d’un homme plus qu’il ne peut, et de lui demander des agréments que la Nature ne lui a pas accordés : outre qu’il y a des choses qui ne veulent pas être vues souvent, et il est nécessaire que le temps en fasse perdre la mémoire ; afin qu’elles puissent plaire une seconde fois : Mais quand cela serait vrai, l’on ne pourrait dénier que Molière n’eût bien de l’adresse ou du bonheur de débiter avec tant de succès sa fausse monnaie, et de duper tout Paris avec de mauvaises Pièces. […] Toute la France a l’obligation à feu Monsieur le Cardinal de Richelieu d’avoir purifié la Comédie, et d’en avoir retranché ce qui pouvait choquer la pudeur, et blesser la chasteté des oreilles ; il a réformé jusques aux habits et aux gestes de cette Courtisane, et peu s’en est fallu qu’il ne l’ait rendue scrupuleuse. […] Tout ce qu’elle avait de mauvais, avant ce grand Cardinal, c’est qu’elle était coquette et libertine ; elle écoutait tout indifféremment, et disait de même, tout ce qui lui venait à la bouche ; son air lascif et ses gestes dissolus rebutaient tous les gens d’honneur, et l’on n’eût pas vu en tout un siècle une honnête femme lui rendre visite.

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