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29. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XVIII. Prétention des Comédiens au titre d’homme à talens, mal fondée. » pp. 19-44

Mais ceux-là seuls ont droit de prendre le titre d’Homme à talents ; parce qu’on ne doit appeler ainsi que ceux qui, sans aucun assujettissement, sans nulle contrainte, exercent un art où l’imagination & le génie en font plus que la main. […] Le Peintre laisse une composition pour une autre, & la liberté qu’il donne à son génie, met souvent le sceau à la perfection de ses Ouvrages. […] Il arrive quelquefois que le génie qui nous domine, nous conduit au milieu des plus grands défordres, & de la bassesse, à l’état qui lui est propre. […] Quand je ne verrai qu’une multitude de mercenaires, qui, la plûpart, n’ont d’autre capacité que de supputer à quoi se monte la part qu’ils ont dans le produit des chambrées, je m’étonnerai que des gens qui ont des lumieres, leur prodiguent une qualification qui ne doit être accordée qu’au génie. […] Moliere étoit un homme de génie comme Eschyle ; mais ce n’est pas parce qu’il jouoit ses Piéces à l’imitation de cet ancien, mais parcequ’il les composoit Eschyle, pour se rendre plus agréable au peuple, montoit sur le Théatre ; mais je suis sûr qu’Athènes n’eut pas vu d’un bon œil, l’un de ses Capitaines, faire le Comédien autrement que dans ses propres Piéces.

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