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223. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Ensuite ceux qui sont restés parlent d’affaire, et exposent qu’ils sont en peine de faire achever un mariage, qui est arrêté depuis longtemps, d’un fort brave Cavalier avec la fille de la maison, et que pourtant le Père de la Fille diffère fort obstinément ; ne sachant quelle peut être la cause de ce retardement, ils l’attribuent fort naturellement au principe général de toutes les actions de ce pauvre homme coiffé de Monsieur Panulphe, c’est-à-dire à Monsieur Panulphe même, sans toutefois comprendre pourquoi ni comment il peut en être la cause. […] La raison de cela est, que selon mon principe nous estimons Ridicule ce qui manque extrêmement de Raison : or quand des moyens produisent une fin fort différente de celle pour quoi on les emploie, nous supposons avec juste sujet, qu’on en a fait le choix avec peu de raison ; parce que nous avons cette prévention générale, qu’il y a des voies partout, et que quand on manque de réussir, c’est faute d’avoir choisi les bonnes. […] Enfin il ne faut pas, pour dernière objection, qu’on me dise que tous les sentiments que j’attribue aux gens, et sur lesquels je fonde mon raisonnement dans tout ce discours, ne se sentent pas comme je les dis ; car ce n’est que dans les occasions qu’il paraît si on les a, ou non : ce n’est pas qu’alors même on s’aperçoive de les avoir ; mais c’est seulement que l’on fait des actes qui supposent nécessairement qu’on les a ; et c’est la manière d’agir naturelle et générale de notre âme, qui ne s’avoue jamais à soi-même la moitié de ses propres mouvements ; qui marque rarement le chemin qu’elle fait, et que l’on ne pourrait point marquer aussi, si on ne le découvrait, et si on ne le prouvait de cette sorte par la lumière et par la force du raisonnement.

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