Eh qui sont ces gens déguisés, ramassés au hasard, que le plaisir attire, qui en font des rendez-vous, qui y forment les plus criminelles intrigues, qui sont-ils ? […] Les bals ne furent d’abord que des assemblées passagères, destinées à célébrer quelque fête, à donner quelque divertissement, formées au hasard de ceux qui vouloient s’y trouver, où l’on dansoit toute sorte de danses, selon la fantaisie des danseurs. […] La danse en fit toujours le fonds, on y dansoit toujours, tout y dansoit ; les pierres au son de la lyre venoient en cadence élever des murailles, & les arbres former des forêts. […] Sans doute les combinaisons de ces mouvemens sur la cadence d’un ait peuvent former un jeu, & amuser un moment, comme les échecs, les cartes, la course de bague ; mais au-delà de ces bornes c’est une extravagance. […] Dan ces innombrables conversations qui de toutes parts se forment, on parle, on crie, on commence, on s’interrompt, on n’écoute pas, on ne sait ce qu’on dit, on ne dit que des sottises ; des ris immodérés se font entendre pour rien, un masque, un faux pas, une allure gauche, sans savoir pourquoi : Fatuus in risu exaltat vocem suam : Sapiens vix tacitè ridet : Va vobis qui ridetis, quia lugebitis.