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53. (1836) De l’influence de la scène « De l’influence de la scène sur les mœurs en France » pp. 3-21

Le public voulait que les demi-dieux et les héros de l’antiquité judaïque et païenne eussent ses formes, et si Racine, pour plaire à la cour et au public, en altéra les images en leur donnant la couleur des mœurs françaises, il réagit simultanément sur les générations à venir, par la pureté de son goût, l’élégance de son langage et la perfection de ses tableaux. […]  » Ce discours d’une atroce ironie, la victime pâle et sanglante, tout cela forme un tableau aussi horrible que repoussant, et quand un pareil spectacle n’aurait que le danger d’accoutumer le peuple au sang, et de le familiariser avec le crime, ne serait-ce pas un motif suffisant pour le condamner ? […] J’appelle influence expansive ce qui développe le germe d’une passion ou d’un goût ; et il est incontestable que les sujets dramatiques actuels, par eux-mêmes et les formes qu’on leur donne, substituent l’horreur à la terreur qui suffisait autrefois pour émouvoir profondément : la conséquence de cette innovation s’aperçoit par la préférence que le public accorde aux nouvelles compositions sur nos premiers chefs-d’œuvre : si quelquefois encore on représente au Théâtre Français une tragédie de Corneille ou de Racine, la salle est toujours vide, ce qui pourrait faire craindre que la licence de la scène ne se glissât un jour dans les mœurs et qu’on ne sifflât pas toujours sur la place publique ce qu’on tolère aujourd’hui au théâtre.

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