/ 292
26. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE IV. De la Médisance. » pp. 80-99

Il n’y a presque point de comédie où quelqu’un ne soit joué, & dont on n’eût pû faire des clefs satyriques ; les Précieuses ridicules sont la satyre de l’hôtel de Rambouillet ; les Femmes savantes, de Cotin, Ménage ; George Dandin, d’un bourgeois de ce nom ; le Tartuffe, de M. de Lamoignon ; le Misanthrope, de M. le Duc de Montauzier ; Pourceaugnac, d’un Limosin de ce nom ; le Philosophe, du Bourgeois Gentilhomme, Rosaut, dont il emprunta le chapeau pour le jouer mieux ; l’In-promptu de Versailles joue les Comédiens & Boursault ; la Critique de l’École des Femmes tous les censeurs ; les Facheux toute la Cour ; le Mercure a été joué par Boursault, ce qui lui fit faire un proces ; les Folies amoureuses de Regnard, le Rendez-vous de Baron, le Pédant de Bergerac, &c. […] Que peuvent produire des paysans, des ivrognes grossiers, médisans, républicains, qui n’ont ni loi, ni décence ; & le Dieu dont on célébroit la fête, dont l’intempérance & la folie font tout le culte, l’emportement, la débauche, la malignité, jusqu’à la plus révoltante nudité, dit Horace, bon Juge & peu scrupuleux : Mox etiam agrestes Satyros nudavit & asper jocum tentavit, & potus, & ex lex. […] Ces folies ne pouvoient manquer d’être applaudies & récompensées. […] Elle est insatiable de spectacles, la seule histoire des folies du théatre François, poussée seulement jusqu’en 1721, a fourni quinze volumes à MM. Parfait, la suite jusqu’à nos jours en fourniroit aisément quinze autres, si la honte de voir au grand jour de l’impression les folies de tant de personnes vivantes, n’avoit fait prier les Auteurs de discontinuer leur ouvrage.

/ 292