/ 292
13. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre IX. Sentiments de S. Ambroise. » pp. 200-211

Détournons donc nos yeux de toutes ces folies, de peur que la vue ne nous en inspire le désir. […] Aussi trop instruit par une triste expérience, le Prophète s’écrie en gémissant : Heureux qui met dans le Seigneur toute son espérance, et ne jette jamais les yeux sur les vanités, les folies, les faux biens du monde ! « Qui non respexit in vanitates et insanias falsas. » Mais quels sont surtout ces folies, ces faux biens, ces vains plaisirs, si réellement dangereux ? […] Non, les sacrilèges et la fureur d’Hérode ne furent pas si funestes à Jean que le poison de la danse : « Plus nocuisse saltationis illecebram, quam sacrilegi furoris amentiam. » Fuyez donc la danse, si vous voulez être chaste, au jugement même des sages païens ; elle ne peut être que le fruit de l’ivresse ou de la folie : « Juxta sapientiam sæcularem, saltationis temulentia auctor est aut dementia. » Voilà, mères Chrétiennes, de quoi vous devez garantir vos filles ; apprenez-leur la religion, et non la danse ; il n’appartient qu’à la fille d’une adultère d’être une danseuse : « Videtis quid docere, quid dedocere filias debeatis ; saltet sed adultera filia, quæ vero casta est, filias suas doceat castitatem, non saltationem. » Il cite une foule d’exemples de saintes Vierges qui ont mieux aimé souffrir la mort, et même se la donner, que de perdre la virginité. […] profitons du temps, aimable jeunesse, la vie s’envole comme un léger nuage, hâtons nous d’en jouir, ne laissons pas passer le printemps sans en cueillir les fleurs, avant qu’elles se flétrissent ; laissons partout des traces de nos plaisirs, faisons-nous des couronnes de roses, et ne songeons qu’à jouir agréablement des charmes de la volupté, puisque tout va s’anéantir dans le tombeau : « Non prætereat nos flos temporis, coronemus nos rosis antequam marcescant. » Si l’on ne voit pas dans ce portrait le théâtre et sa morale, le parterre et sa folie, les Actrices et leurs manèges, le spectacle et ses dangers, les coulisses, les loges, les foyers, les maisons des Comédiens, la vie des Comédiennes, on ne voit pas le soleil à midi ; mais si après ces connaissances, on aime encore, on fréquente le théâtre, plus misérablement aveugle, on ne voit pas l’enfer ouvert sous ses pieds.

/ 292