Créon peut-être déterminé par des vues d’intérêt et de politique à s’attacher Jason, en lui faisant épouser sa fille, ce qui l’oblige à répudier Médée ; mais, dans tous les temps et dans tous les pays, le spectacle d’une fille qui se détermine à épouser un homme marié, et cela plutôt par passion, que par devoir, ne peut être que d’un très mauvais exemple, et doit révolter les Spectateurs. […] Je changerais donc entièrement le caractère de Créuse : loin de la faire amoureuse de Jason, ce serait une fille modeste, soumise aux volontés de son père : tout au plus, je lui donnerais de l’ambition et de la vanité ; et ce serait par ces motifs qu’elle consentirait à devenir la femme d’un Héros tel que Jason ; non sans de grandes agitations, par la crainte que ce même Héros ne vint à l’abandonner un jour comme il abandonnait Médée ; enfin je lui mettrais à la bouche mille traits contre la cruauté des hommes de son temps, qui, après avoir abusé de la simplicité et de la bonne foi des filles, ont recours au divorce pour les quitter et les rendre malheureuses à jamais. […] Jugurtha veut épouser Artemise et donner à son rival sa fille Ilione, qui est par là suffisament autorisée à aimer Adherbal que son père lui destine et qu’elle va épouser. […] Pour ce qui est de la passion de Jugurtha, on ne peut pas disconvenir qu’elle ne soit infiniment instructive par son excès ; parce que c’est le transport effréné de sa passion, qui donne la mort à son rival, à sa Maîtresse et à sa propre fille, en même temps. […] Un amour si violent et si subit n’est pas décent dans une fille ; je crois qu’il faudrait le modérer ; et, puisqu’enfin il est nécessaire qu’Arténice soit prévenue pour Sésostris, je crois qu’il faut faire naître et faire augmenter cette passion par degrés dans le cours de l’action.