La tragédie n’étant d’abord jouée que par des hommes, on ne voyait point sur le théâtre ce mélange scandaleux d’hommes et de femmes, qui fait des nôtres autant d’écoles de mauvaises mœurs. 6°. […] « Je demande comment un état dont l’unique objet est de se montrer au public, et, qui pis est, de se montrer pour de l’argent, conviendrait à d’honnêtes femmes, et pourrait compatirl en elles avec la modestie et les bonnes mœurs. […] malgré mille précautions, une femme honnête et sage, exposée au moindre danger, a bien de la peine encore à se conserver un cœur à l’épreuve ; et ces jeunes personnes audacieuses, sans autre éducation qu’un système de coquetterie et des rôles amoureux, dans une parure immodeste, sans cesse entourées d’une jeunesse ardente et téméraire, au milieu des douces voix de l’amour et du plaisir, résisteront à leur âge, à leur cœur, aux objets qui les environnent, aux discours qu’on leur tient, aux occasions toujours renaissantes, et à l’or auquel elles sont d’avance à demi vendues ! […] Le vice a beau se cacher dans l’obscurité ; son empreinte est sur les fronts coupables : l’audace d’une femme est le signe assuré de sa honte : c’est pour avoir trop à rougir qu’elle ne rougit plus ; et, si quelquefois la pudeur survit à la chasteté, que doit-on penser de la chasteté, quand la pudeur même est éteinte ? […] Appellerons-nous un métier honnête celui qui fait d’une honnête femme un prodige, et qui nous porte à mépriser celles qui l’exercent, à moins de compter sur un miracle continuel ?