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339. (1789) La liberté du théâtre pp. 1-45

On a vu Voltaire, luttant à chaque nouveau chef-d’œuvre contre la foule des envieux & des fanatiques, forcé de ménager des Courtisans qu’il méprisoit, déplorant la pusillanimité de ses Concitoyens, disant la vérité par vocation, par besoin, par enthousiasme pour elle, se rétractant, se reniant lui-même pour échapper à la persécution ; admiré sans doute, mais dénigré, mais haï, mais enfermé deux fois dans les cachots de la Bastille, exilé, contraint de vivre éloigné de sa patrie, osant à peine venir expirer dans cette ville qui se glorifie de l’avoir vu naître, jouissant des honneurs d’un triomphe, & trouvant à peine un tombeau ; avant ce dernier opprobre poursuivi, pendant trente années, jusqu’au pied du Mont-Jura, par des mandemens & des réquisitoires ; flattant sans cesse & les Flatteurs & les Maîtresses du feu Roi ; & laissant à la postérité, avec un exemple de force, un exemple de foiblesse, qui déposera moins contre lui, que contre son siècle, in ligne encore, à bien des égards, d’être éclairé par un si grand homme. […] Ce chapitre est donc spécialement écrit pour ceux dont le jugement est moins exercé, qui examinent moins sévèrement les idées qu’ils ont adoptées, qui prennent souvent l’usage pour le droit, & sont plus aisément persuadés par des exemples que convaincus par des raisonnemens.

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