Ce sera cette femme Chrétienne, qui renfermée dans l’enceinte de son domestique, éleve ses enfans dans la crainte de Dieu, laisse au Seigneur le soin de leur destinée, les aime tous d’une égale tendresse, ne leur marque d’autre place que celle où Dieu les appellera, ne s’abandonne point aux modes de luxe & de vanité, ne se trouve point dans les cercles de railleries & de médisances, ne s’assied point dans la Chaire du mensonge, ne paroît gueres qu’au Temple, & n’y va que pour y prier & y adorer, qui ne suit point les usages, les coûtumes, les maximes du monde, & qui par son rang & ses exemples donne du credit à la vertu. […] Lorsque les Juifs furent prêts de quitter la Judée, & de partir pour être captifs à Babilone, le Seigneur leur parla en ces termes, par son Prophete Jeremie : enfans d’Israël, lorsque vous serés arrivés à Babilone, vous verrés les Peuples qui porteront sur leurs épaules des Dieux d’or & d’argent, de pierre & de bois, pour donner de la crainte aux Nations ; donnés-vous bien de garde de vous laisser entraîner au torrent du mauvais exemple : & ne craignés pas comme les autres ces Divinités impuissantes & chimeriques ; & voiant devant & derriere vous la multitude qui adore ces Idoles, dites dans le fond de vos cœurs : c’est vous seul, ô mon Dieu, qu’il faut adorer : c’est vous seul que nous voulons adorer, & qui seul merités d’être adoré ;* dicite in cordibus vestris : te oportet adorari Domine. Souffrés, mes Freres, que je finisse mon Discours par ces paroles : au sortir de ce Temple vous allés rentrer dans le monde figuré par l’infidelle Babilone : vous y allés voir ces Dieux d’or & d’argent, postés dans les places publiques, devant qui presque tout le monde est prêt de fléchir le genoüil : vous y allés trouver les Idoles vivantes de luxe & de vanité, ces hommes & ces femmes revêtus d’habits riches & pretieux qui brillent par la pompe de leur train, & la magnificence de leur équipage, devant qui tout le monde rampe & se prosterne : vous y allés trouver ces marques d’orgueil dont tous les riches & les grands se parent ; pour inspirer du respect & de la crainte aux petits : ces plaisirs que tout le monde se permet, ces richesses que tout le monde adore, ces voluptés aprés lesquelles tout le monde soupire, ces honneurs & ces dignités que tout le monde brigue, ces usages que tout le monde embrasse ; prenés bien garde de vous laisser entraîner à ces exemples de mondains : ne vous laissés par aller au torrent de la multitude ; & si vous voulés être du petit nombre de ces Israëlites fidelles, dites comme eux dans vôtre cœur : oüi, mon Dieu, il n’y a que vous qu’il faille adorer, te oportet adorari Domine .