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45. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Septième Lettre. De la même. » pp. 73-99

Nous sommes : être agréablement est le but de tous nos soins, le terme de tous nos vœux, de tous nos appétits : cet ambitieux que vous voyez remper, ne s’abaisse que parce qu’il espère parvenir par-là, à maîtriser : il semble qu’il essaye jusqu’où il pourra ravaler un jour impunément la triste humanité : l’avare qui se refuse le nécessaire, ne le fait que parce qu’il a mis tout son bonheur plutôt dans le pouvoir de goûter les plaisirs, que dans leur jouissance : l’Indien & le Japonois qui se déchirent en l’honneur de Fo, espèrent en souffrant des douleurs horribles, se rendre plus sensibles aux voluptés qui les attendent ; ils ressemblent à ces gourmands qui ne se livrent à de violens exercices, que pour exciter vivement l’appétit, & goûter ensuite avec plus de sensualité le plaisir de le satisfaire. […] La manière dont ces deux Arts excitent aujourd’hui les passions, n’est qu’un chatouillement agréable. […] Il paraît que nous ignorons encore tous les usages de notre Théâtre, & que nous ne connaissons pas toute l’utilité qu’on en peut tirer, pour exciter l’émulation, donner aux recompenses de la Vertu un champ digne d’elles, au châtiment des fautes publiques un tribunal redoutable. […] Le tumulte des desirs, c’est donc tout ce qu’une telle Pièce excitera dans les uns ; un rire vide, un épanouissement machinale, seront tout ce qu’elle réveillera dans les autres. […] Tels sont les Ménechmes, le Légataire, &c. ces Pièces, où l’on trouve un excellent comique, & qui peuvent servir de modèle pour l’économie théâtrale, sont néanmoins du genre le moins utile ; elles ne rendent pas assez odieux le vice qu’elles peignent ; elles ne peuvent qu’exciter le rire, & faire naître une stérile admiration.

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