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4. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies à conserver. » pp. 276-294

Le Misanthrope dont nous venons de parler, n’est pas une Pièce où cette passion paraisse avec les défauts contre lesquels je me suis si fort révolté ; les Amants de la Coquette aiment plutôt en petits Maîtres et en étourdis, qu’en hommes véritablement amoureux : Célimène fait son métier, et le Misanthrope, quoique passionné, traite l’amour suivant son caractère qui influe beaucoup sur sa passion, ce que le grand Molière n’a pas négligé en travaillant : je cherchais donc dans une Comédie un de ces excès de la passion d’amour qui portent les Amants à tout tenter pour se satisfaire : qui les rendent aveugles : en un mot un de ces excès qui font regarder les Amants comme des insensés, et qui leur attirent tout à la fois l’indignation et la compassion des Spectateurs, et je l’ai trouvé à la fin. […] du Fresny est une Comédie, à mon avis, des plus instructives : il ne s’agit que d’amour dans toute la Pièce, mais on n’y trouve aucune de ces Scènes de tendresse si communes dans les Comédies de ce siècle, et dont le poison est si dangereux pour la jeunesse, qui n’étant pas, ou ne voulant pas être sur ses gardes, l’avale à long traits : on n’y voit que l’excès de la passion. […] Enfin les jeunes gens qui sont maîtres de leur cœur, ne peuvent remporter de la représentation de cette Comédie que des exemples capables de les fortifier dans la vertu : et ceux qui sont tyrannisés par la malheureuse passion de l’amour, peuvent apprendre à éviter les risques qu’ils courent, et à détester les excès où elle porte ceux qui s’y livrent. Lorsqu’on met sur le Théâtre la passion d’amour parvenue à de tels excès, c’est, à mon avis, une grande leçon pour les Spectateurs.

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