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56. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Voilà, Madame, les livres que j’ai lus autrefois sur la matière que vous me proposez : Mais ces idées sont maintenant fort effacées de mon esprit, parce que je me suis toujours appliqué depuis à des choses qui n’y ont nul rapport ; cependant si la solitude, et le repos de la campagne où je suis depuis quelques mois, peut me rappeler quelqu’une de ces anciennes idées, je vous écrirai au hasard, comme dans mes autres Lettres, et sans suivre un ordre méthodique, tout ce qui se présentera à mon esprit. […] C’est en quoi le Poète fait paraître son génie, lorsqu’il produit dans les esprits, les mêmes effets par de simples récits, que par des spectacles réels. […] Rien n’attache plus l’esprit du Spectateur, que la liaison des événements, qui doivent être, comme enchaînés les uns aux autres ; en sorte que ce qui a précédé, produise naturellement ce qui suit. Cet enchaînement d’actions et de passions tient toujours l’esprit en haleine, et le fait entrer dans tous les sentiments de l’Acteur. […] Les forces de l’esprit et du corps de l’homme sont bornées ; on ne peut pas être appliqué toujours à des choses sérieuses ; on a besoin de temps en temps de relâche pour reprendre son travail avec plus de vivacité et plus de fruit.

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