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25. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V bis. Le caractère de la plus grande partie des spectateurs force les auteurs dramatiques à composer licencieusement, et les acteurs à y conformer leur jeu. » pp. 76-85

Des oisifs de toute espèce, des paresseux de profession, dont l’unique affaire est de ne rien faire ; l’unique soin, celui de n’en point prendre ; l’unique occupation, celle de tromper leur ennui ; passant de la table aux cercles ou au jeu, et de là aux spectacles, pour y assister sans goût, sans discernement, sans fruit, fort satisfaits au reste d’avoir rempli le vide d’un temps qui leur pesait. […] Ils veulent être remués, agités, vivement excités, à condition toutefois que ce ne soit pas en leur inspirant des remords, en faisant porter leur terreur et leur pitié sur leur propre misère, mais seulement en les attachant à de vaines fictions, où l’ombre qu’ils poursuivent puisse leur faire oublier la réalité ; où on les intéresse par le spectacle de passions et de malheurs qui ne soient ni trop loin d’eux ni trop près, et qu’ils puissent envisager sans un retour douloureux et pénible sur leur propre cœur ; à condition encore que, si on veut les forcer à rire de leurs propres faiblesses, ce soit sans ôter à leurs passions les espèces de dédommagements qui leur importent le plus sans faire souffrir leur orgueil, si ce n’est peut-être dans la peinture de quelques vices que tout le monde abhorre, et qu’on charge si bien que personne ne peut s’y reconnaître. […] Peut-être même qu’en recherchant la mécanique des pièces qui ont fait le plus de bruit, on trouvera que c’est en elles un fonds de ce même libertinage qui produit dans la représentation je ne sais quelle espèce d’illusion et d’ensorcellement.

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