Hors d’état de rendre raison d’aucune des choses qui sont dans son tableau, il nous abuse doublement par ses imitations, soit en nous offrant une apparence vague & trompeuse, dont ni lui ni nous ne sçaurions distinguer l’erreur ; soit en employant des mesures fausses pour produire cette apparence, c’est-à-dire, en altérant toutes les véritables dimensions selon les loix de la perspective : de sorte que, si le sens du spectateur ne prend pas le change & se borne à voir le tableau tel qu’il est, il se trompera sur tous les rapports des choses qu’on lui présente, ou les trouvera tous faux. […] Si quelqu’un nous dit connoître un de ces hommes merveilleux, assurons-le, sans hésiter, qu’il est la dupe des prestiges d’un charlatan, & que tout le sçavoir de ce grand Philosophe n’est fondé que sur l’ignorance de ses admirateurs, qui ne sçavent point distinguer l’erreur d’avec la vérité, ni l’imitation d’avec la chose imitée. […] Ainsi font illusion les noms & les mots à ceux qui, sensibles au rithme & à l’harmonie, se laissent charmer à l’art enchanteur du Poëte, & se livrent à la séduction par l’attrait du plaisir ; en sorte qu’ils prennent les images d’objets qui ne sont connus, ni d’eux, ni des auteurs, pour les objets mêmes, & craignent d’être détrompés d’une erreur qui les flatte, soit en donnant le change à leur ignorance, soit par les sensations agréables dont cette erreur est accompagnée. […] Toutes ces erreurs sont évidemment dans les jugemens précipités de l’esprit. […] Quelles ressources nous sont offertes contre ces erreurs ?