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244. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Lorsque la scène est dans un Sallon, dans un Cabinet, il faut éviter tout ce qui peut rappeler au Spectateur qu’il est au Théâtre : il serait à propos que les Coulisses semblassent absolument fermées ; que les Acteurs ne pussent entrer ou sortir que par les issues convenables au lieu où ils s’entretiennent ; qu’un Sallon eût au plus deux portes ; je voudrais même que dans les Pièces à composer, où le lieu ne prêtera jamais, & sera le plus ordinaire possible, on se restreignit la plupart du temps à une seule entrée : aujourd’hui, lorsqu’un personnage à fuir se présente, la trop grande facilité de l’éviter, détruit tout le plaisir de l’embarras, & nous prive d’une quatrième espèce de comique, que j’appelerais comique de position, & qu’on pourrait ajouter au comique de pensées, de sentiment & de situation : d’un autre côté, l’illusion est détruite, des que le Spectateur sent s’élever cette pensée, qu’on ne s’échapperait pas ainsi, sans être vu, d’un Sallon ou telle autre pièce d’un véritable Appartement : ce défaut ne résulte pas de la maladresse des Acteurs, ou seulement de la mauvaise disposition du Théâtre, il vient de l’Auteur : il est sur-tout sensible dans les Drames des Auteurs-Comédiens, qui paraissent ne se défier jamais assez de la nonvérité de la Scène. […] Quand les Personnages seront censés s’entretenir dans la Rue, le Proscénion devant avoir moins d’étendue que pour une Place publique, l’espace retranché donnerait le moyen d’établir une ou deux pièces d’un appartement, sur la Scène, en ne laissant de libre qu’une avant-scène fort étroite : les portes ouvertes de cet appartement exposeraient aux yeux des Spectateurs, sans que les personnages se déplaçassent, les Scènes intérieures : nos Auteurs des nouveaux Drames profiteraient de cette disposition, pour mettre plus de naturel dans leurs Pièces, en mille circonstances où l’inconvenance & même l’invraisemblance du lieu les tient à la gêne, & répand un air de contrainte sur d’excellens morceaux. […] Ce n’est pas qu’il n’y ait des gens qui s’entretiennent haut lorsqu’ils sont seuls, & qu’on ne puisse en placer l’imitation sur la Scène : le Poète Regnard, dans son Distrait, fournit des exemples du monologue le plus naturel & le mieux employé : mais dans tout autre caractère, les occasions en sont rares : il doit du moins être court, comme d’une pensée, d’une affection, vivement & concisément exprimée.

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