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18. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre VIII. Erreurs des Modernes sur ce sujet. » pp. 165-186

Cette différence entre les Histrions ou Bateleurs, et les représentateurs des Poèmes Dramatiques a été si peu connue des Modernes, que depuis plusieurs siècles les plus doctes Ecrivains s'y sont lourdement trompés ; car ils ont attribué tous les défauts des Mimes et Bateleurs scéniques, aux Comédiens et Tragédiens ; ils en ont confondu les noms, l'exercice, le mérite, les qualités, la réputation, et généralement toutes choses ; et je me suis cent fois étonné qu'une infinité de savants critiques se soient laissés fasciner les yeux, sans discerner combien ces différents Acteurs ont été distingués parmi les Anciens. […] Ce qui fait voir qu'il perfectionna seulement ce que les autres avaient commencé, et que ces bouffonneries mêlées de Poésie, de Musique et de Danse, qui firent partie des Jeux Scéniques, étaient demeurés dans une grande rusticité, jusqu'au siècle d'Andronicus, plus excellent que les Versificateurs qui l'avaient précédé, et qui fit ses Mimes sur l'exemple des Poètes Grecs qu'il savait, comme Plaute et Nevius composèrent incontinent après les Poèmes Dramatiques sur le même exemple. […] Un Moderne en a fait une autre aussi grossière, et qui ne peut trouver d'Apologie, bien qu'elle soit dans une Apologie du Théâtre ; Il veut prouver que les Acteurs de l'ancien Théâtre étaient honnêtes gens, et que leur vie n'était point licencieuse comme on se l'imagine ; et sans distinguer les Jeux Scéniques des représentations du Poème Dramatique, ni les Mimes des Acteurs de la Comédie et Tragédie, il dit sur les paroles du grand Pline très mal entendues, que Luceïa et Galéria, donc il fait par une insigne bévue deux excellentes Comédiennes, s'étaient trouvées capables de monter sur le Théâtre ; la première durant cent ans, et l'autre à la cent quatrième année de son âge qu'elle y fut remise comme une merveille ; et posant pour maxime indubitable que la voix ne se peut jamais conserver dans la débauche, il conclut que ces prétendues Comédiennes, ayant conservé la leur si longtemps, avaient été fort honnêtes femmes, et ensuite que toutes les autres leur ressemblaient. […] écrits des anciens Auteurs, mais il n'en avait pas épuré les lumières ; car il dit bien que les Pantomimes étaient de beaucoup inférieurs aux Comédiens et aux Tragédiens, en la société desquels ils n'étaient point, mais il ajoute qu'ils n'étaient pas Histrions Scéniques, ce nom ne convenant point aux Bateleurs, et n'étant propres qu'aux Joueurs de Poèmes Dramatiques, car il est bien vrai que les Comédiens et Tragédiens étaient distingués des Mimes et Pantomimes, mais il n'est pas vrai que le nom d'Histrion qu'il prend pour un Acteur de Drames, ne comprenait point cette espèce de Bouffon ; car au contraire il leur était propre, et leur fut donné dès l'origine des Jeux Scéniques, comme nous l'apprenons clairement de Tite-Live. Et cela se fit près de cent cinquante ans avant que la représentation des Poèmes Dramatiques fut reçue au Théâtre Romain, durant lequel temps les Bouffons et Bateleurs ont porté le nom d'Histrion Scénique.

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