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4. (1680) Entretien X. Sur la Comédie « Entretien X. sur la Comedie » pp. 363-380

L’Eglise, la conscience, & les fréquens naufrages de l’innocence, sont ces voix, qui disent, que de tous les moyens, qu’a le démon pour perdre bien des ames, la comédie en est le plus doux, le plus fort, & le plus caché. […] Les matieres, qui s’y traitent, ne sont ordinairement, que d’amour, & de ses intrigues, car le théatre ne plairoit plus, si cette passion n’en faisoit l’ame : L’expression, qu’on en fait, est par la déclamation la plus douce, la plus animée, & la plus transportée : L’ajustement d’une comédienne n’a rien, qui ne respire je ne sçay quoy d’impur, par la nudité de sa gorge, par son geste mol, & affecté, & par son action efféminée. […] Je demande si cette disposition de l’esprit, & du cœur secondant elle-méme les sollicitations moles, & douces de ces objets, il est possible, qu’on s’en défende, sans s’y laisser aller fort sensüellement ? […] Comment donc une personne, qui fréquente le Théatre, sera-t’elle capable d’aucun sentiment Chrêtien, ne remportant de là, qu’une teste pleine d’idées douces, & charmantes, & de toutes les passions foles, & imaginaires, que la déclamation d’un Comédien luy a pû representer ? […] C’est à dire, Madame, que le poison est presenté avec bien de la douceur, & dans un vase d’or, & que ce qui avoit coûtume d’offenser les yeux & les oreilles, par une liberté trop effrontée, ayant esté banny du Théatre, on y a laissé l’air le plus doux, & le plus empoisonné de l’amour.

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