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228. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « La criticomanie — Autres raisons à l’appui de ce sentiment, et les réponses aux objections. » pp. 154-206

Les craintes inspirées, les exemples de punitions donnés confusément aux vicieux par le théâtre ne sauraient être aussi efficaces que les exemples de celles, bien autrement sensibles, donnés continuellement par la justice aux fripons et aux voleurs, qui cependant fourmillent toujours partout ; ce qui doit achever de persuader combien sont illusoires aujourd’hui les moralités théâtrales dont on fait le plus solide argument en faveur de l’exposition honteuse des crimes ; des iniquités, des égarements inouïs, de toutes les faiblesses humaines existantes et possibles. […] En effet, lorsque nous savons par tradition et par nos propres observations que des hommes de tous les rangs, que des princes même, que des prêtres, que des prélats, des pontifes, ont donné des exemples de toutes les perfidies et de tous les scandales, qu’ils ont même commis des atrocités, pourquoi tant d’art et d’apprêts, et de si ingénieux tours de force pour nous dire une chose que nous ne devons pas avoir de peine à croire, pour nous montrer qu’un petit particulier, clerc ou laïc, déguisé en dévot veut séduire une femme et encore avoir sa fortune par-dessus le marché ? […] D’ailleurs personne n’ignore qu’habituellement d’autres hommes déguisés en amis simplement ont les mêmes vues ; et il n’y a que des insensés qui, connaissant les hommes capables de cette dernière ruse, ne voient pas qu’ils sont capables aussi de la première, et qu’il est prudent de se tenir sur ses gardes vis-à-vis toute personne que l’on ne connaît point parfaitement ; et ces aveugles là n’ont pas même pu profiter de l’avis donné sous la nouvelle forme, ou ils en ont abusé. […] On a dit dès lors à peu près comme on dit aujourd’hui en leur faveur, que les ouvrages dramatiques sont la plus précieuse, la plus salutaire, la plus substantielle nourriture qu’on puisse donner à notre âme et à notre esprit ; qu’on trouve dans leur recueil un cours complet de morale, les tableaux touchants des plus sublimes vertus, la peinture fidèle des mœurs, les observations les plus profondes sur les faiblesses humaines, les travers et les vices combattus avec l’arme du ridicule par des satires sanglantes ; les grands hommes ressuscités avec leur caractère, et leurs formes imposantes. On y apprend à connaître le monde et la manière de se conduire dans toutes les circonstances de la vie politique et privée ; en un mot, il a été dit en leur faveur qu’on profite mieux par les exemples frappants donnés sur le théâtre que par les lectures de préceptes de morale, trop sévèrement exprimés, etc.

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