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214. (1695) Preface [Judith, tragedie] pp. -

Ce qui peut encore les rebuter davantage, c’est qu’étant accoutumés à forger des événements qui n’ont ni suite ni vraisemblance, à donner des grands noms historiques aux fictions fabuleuses, et à confondre ainsi la verité et le mensonge, ils n’osent avec raison traiter des sujets, qu’on ne peut altérer sans un espèce de sacrilège. […] Mais ce qui leur paraît de plus rebutant et de plus épineux, c’est que pour donner à ces ouvrages les ornements qu’ils demandent, il faut se remplir des grandes vérités de la Religion, et tirer de l’Ecriture sainte ces riches expressions que nous fournit la divine Poésie du Psalmiste et des Prophètes, et qui sont fort au-dessus de tout ce que l’ingénieuse et savante Antiquité a de plus grand et de plus magnifique. […] Ce Poème quelque succès qu’il ait eu n’est qu’un essai qui ne donne tout au plus qu’une faible idée de la perfection à laquelle des génies plus élevés que le mien pourraient à peine parvenir. […] Nous avons un illustre exemple dans Polyeucte, et puisque Judith dont l’Histoire est si délicate et si difficile à traiter, n’a pas déplu dans la forme que je lui ai donnée, que ne peut-on pas attendre de ceux qui avec une Muse plus forte que la mienne, voudront entreprendre de semblables ouvrages, et leur donner tous les ornements de la Scène.

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