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211. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VI. Des Sçènes. » pp. 257-276

LE mot Scènes, auquel on donne tant de diverses significations, ne voulait dire dans son origine, qu’un lieu couvert de branchages. […] Le prémière Sçène même éxige qu’on pratique cette règle à la rigueur ; les plus fameux Auteurs Dramatiques nous en ont donnés des éxemples qu’on ne sçaurait suivre avec trop de soin. […] Un homme seul ne parle pas ordinairement tout haut comme un fou, il faut donc donner de grandes passions aux personnages qui découvrent leurs sentimens dans un Monologue : ils peuvent se plaindre, gémir, s’emporter, lorsqu’ils sont agités fortement ; parce qu’ils sont hors d’eux-mêmes, & qu’ils ne s’apperçoivent pas de leurs actions. […] Si l’on présume qu’on est en droit de faire leurs procès, il faut condamner les plus célèbres Auteurs, qui n’ont pas craint de commettre les mêmes fautes : ces grands Hommes sont les seuls coupables, puisqu’ils ont donné le prémier éxemple de l’oubli des règles. […] Les Drames du grand Corneille serviront aussi d’éxcuse aux Poèmes du nouveau genre : il me suffira de prier le Lecteur de se rappeller le Cid, le chef-d’œuvre du Théâtre Français, qui eût la gloire de donner naissance au proverbe, cela est beau comme le Cid.

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