/ 301
115. (1685) Dixiéme sermon. Troisiéme obstacle du salut. Les spectacles publiques [Pharaon reprouvé] « La volonté patiente de Dieu envers Pharaon rebelle. Dixiéme sermon. » pp. 286-325

Voilà M. ce qui a foüillé le theatre de mille crimes, ce qui a rendu la comedie coupable de mille dereglemens, ce qui a corrompu les bonnes mœurs des peuples, ce qui a armé de zele de tous les Peres de l’Eglise contre ces spectacles publiques, & ce qui a attiré toute la severité des loix divines & humaines, contre ces sortes de plaisirs enchantés : mais avant que de prononcer un arrest de condamnation contre eux, l’ordre de la justice demande que nous informions du fait à charge & à décharge, & que nous examinions au poids du sanctuaire, si les plaintes qu’on fait contre la comedie sont legitimes, & si les crimes dont on l’accuse sont veritables. […] LE premier crime dont la comedie est censée coupable, c’est de profaner la sainteté de la Religion ; pour établir ce fait, il faut remonter plus haut, & supposer que le principal dessein du demon ayant été de corrompre le culte de Dieu & la sainteté de la Religion, il a executé son entreprise en introduisant l’idolatrie dans le monde, en se faisant bâtir des temples, dresser des autels, offrir des sacrifices, & rendre les honneurs divins dans les fabuleuses divinités des Gentils : mais voyant que dans la suite des tems l’Evangile avoit rétabli le culte du vray Dieu, qu’il avoit renversé les idoles, banni l’idolatrie & la superstition de tout l’univers ; il a tâché de se consoler de cette perte en substituant les Comediens aux Idolatres, & la comedie au Paganisme, pour s’en faire une espece de religion. […] La raison est que cõme l’idolatrie est une ombre & une fausse image de religion, par laquelle on rend les honneurs divins à des idoles de bois & de pierre : de même la comedie est une espece de religion payenne, par laquelle on rend aussi les honneurs divins à des idoles de chair & de sang, c’est à dire, à des hommes vicieux, & à des femmes débauchées, qui ont estés erigés en dieux & en deesses, sous les noms de Jupiter & de Saturne, de Mars, & d’Apollon, de Junon & de Venus : & comme tous les ouvrages portent ordinairement le caractere de l’esprit & du genie de leur autheur, n’y a-t-il pas raison de dire que la comedie est un veritable reste du paganisme, puisqu’elle n’a eu que les mêmes maîtres, & les mêmes autheurs que l’idolatrie, sçavoir les demons. […] Ainsi le service divin est abandonné, la Religion est deshonorée, les Sacremens sont profanés, il faut que Dieu sorte d’une ville, si-tôt que les Comediens y seront entrés, & il faudra desormais fermer toutes les Eglises où l’on celebre nos mysteres, & toutes les écoles où on enseigne la vertu, sitôt qu’on ouvrira la sale de la comedie, parce qu’elle est, privatum consistorium impudicitiæ , le serrail privé où l’on donne des leçons du crime, & la Synagogue du diable où on celebre des mysteres d’iniquité. […] Voulez-vous des spectacles de pieté & de devotion, considerez les ceremonies de l’Eglise, la majesté de l’Office divin, la sainteté de nos sacrifices, la vertu de nos Sacremens, la revelation de la verité, la condamnation des heresies, & le pardon des pechez, quid jocundius quam revelatio veritatis, quam errorum recognitio, quam tantorum retro criminum venia .

/ 301