Les hommes se font honorer par tout ce qui les rend dignes de mépris ; et ce renversement des saines opinions est l’infaillible effet des leçons qu’on va prendre au théâtre. […] On y voit la passion la plus généralement répandue et la plus à craindre s’élever sur les ruines de toutes les vertus, dominer dans presque tous les cœurs et fonder les principaux intérêts ; on y voit les faiblesses et les crimes qu’elle traîne à sa suite, déguisés, palliés par les tours ingénieux d’une morale aussi fausse que séduisante, justifiés, autorisés par de grands exemples, ou présentés sous des traits qui les font paraître plus dignes de compassion que de censure et de haine ; on y apprend à nouer les intrigues d’amour ou à en parler le langage, à en adopter les prétextes ou en répéter les excuses ; on y voit les autres passions les plus ardentes et les plus dangereuses, ces passions qui sont les secrets mobiles du cœur humain et qui enfantent tous nos malheurs, l’orgueil, l’esprit de domination, le ressentiment des injures prendre un air de noblesse et d’élévation qui semble les rapprocher de la grandeur d’âme et du vrai courage. […] C’est une chose incroyable, qu’avec l’agrément de la police, on joue publiquement au milieu de Paris une comédie, où, dans l’appartement d’un oncle qu’on vient de voir expirer, son neveu, l’honnête homme de la pièce, s’occupe, avec son digne cortège, de soins que les lois paient de la corde.