Les droits communs à tous les hommes devroient-ils être refusés à des hommes entretenus par le roi, dévoués à l’amusement, à l’instruction, à la gloire de la nation, & devenus même, par le luxe des riches, une ressource pour les pauvres ? […] C’est qu’on n’y puise que le persifflage, la dissipation & la licence ; que les hommes apprennent à y devenir des sybarites ou des scélérats, & les femmes de petites maitresses ou des mégères. […] « Seroit-ce que pour devenir tempérant & sage, il faut commencer par être furieux & fou. » Il voit plutôt le contraire : il voit que la peinture qu’on fait d’elles les rend préférables à la vertu ; que les plus grands scélérats jouent sur le théâtre le plus beau rôle ; qu’ils y paroissent avec tous les avantages & tout le coloris des exploits des héros ; que les Mahomet y éclipsent les Zopire, & les Catilina les Cicéron ; que de semblables portraits ne sont propres qu’à faire revivre les originaux. […] « Ils sont assez avancés, ou, si l’on aime mieux, assez pervertis, pour pouvoir entendre Brutus & Rome sauvée, sans avoir à craindre d’en devenir pires. » Lequel croire de M. d’Alembert ou d’un citoyen qui veut sauver sa patrie de la corruption ; qui ne lui présage qu’abomination & que malheurs, si l’on ne l’écoute ; qui eût pu s’appuyer de la raison que donne Cornelius Nepos pour marquer la différence des mœurs des Grecs & des Romains : C’est que les comédiens étoient estimés des premiers, & qu’ils étoient déshonorés chez les autres.