Si je ne démontre point, dit-il, par des preuves bien établies, par des faits matériels et incontestables, qu’il a l’âme fausse et perverse, que sa conduite est celle d’un de ces brigands déguisés et heureux qui troublent le repos des honnêtes gens, et entretiennent les malheurs de mon pays, qu’en réparation de la calomnie, et pour un exemple aussi salutaire, je sois moi-même traité comme un perturbateur ; que j’en sois banni pour toujours de ma chère patrie, et que le désert le plus lugubre devienne le lieu de mon exil et de ma sépulture ! […] Comme dans une révolution du globe, les forêts étant bouleversées, les arbres déracinés sont entraînés avec confusion par des torrents qui les jètent et les entassent dans des ravins profonds, où, privés de tous les moyens de vie et de conservation que la nature leur avait préparés, ils se décomposent et tombent en corruption ; ainsi, dans notre révolution politique, la société ayant subi un grand bouleversement, les hommes déplacés ont été jetés et entassés confusément dans les administrations, dans ces ravins civils, où, dépouillés de tous les éléments dont l’âme sensible et bien née compose son bonheur, privés de toute sécurité relativement aux points qui y sont les plus essentiels, asservis de fait, ne jouissant que très-illusoirement des droits de citoyen et des bienfaits de la liberté, ils s’énervent et s’abatardissent….. ; ou souffrent cruellement dans un réel esclavage, tantôt témoins, tantôt victimes des plus révoltantes injustices, sacrifiés tour-à-tour à l’esprit de parti, aux affections de coterie, à la cupidité, à l’intrigue, à la bassesse, à l’ineptie ; et, ce qui est le comble de la honte et des tourments de leur servitude, trop souvent soumis à cette espèce d’élus devenus leurs chefs, leurs juges, les arbitres de leur sort !