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129. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Non seulement on a voulu distraire de leurs peines ces enfants adultes ; on a voulu que ce Théâtre, où ils ne vont en apparence que pour rire ou pour pleurer, devînt pour eux, presque sans qu’ils s’en aperçussent, une école de mœurs et de vertu. […] Si quelque chose au contraire adoucit à nos yeux la peine de Titus, c’est le spectacle de tout un peuple devenu heureux par le courage du prince : rien n’est plus propre à consoler de l’infortune, que le bien qu’on fait à ceux qui souffrent, et l’homme vertueux suspend le cours de ses larmes en essuyant celles des autres. […] Mais, dira-t-on, en peignant l’amour de la sorte, il deviendra monotone, et toutes nos pièces se ressembleront. […] Mais ces sentiments étrangers, que l’éducation a portés dans notre âme, que l’habitude y a gravés, et que l’exemple y fortifie, deviennent (à la honte de l’humanité) plus puissants sur nous que les sentiments naturels ; la douleur fait plus périr de ministres déplacés que d’amants malheureux. […] Quand ils ne seraient pas Sociniens, il faudrait qu’ils le devinssent, non pour l’honneur de leur Religion, mais pour celui de leur Philosophie.

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