En examinant toutes les Scènes d’amour de cette Tragédie, on verra qu’il n’y a que Viriate qui ne démente pas ce que le Poète a promis : on ne peut presque pas dire qu’elle aime ; elle ne veut qu’un mari ; elle le veut tel que sa politique et l’intérêt de son ambition le demandent. […] Corneille, j’en suis sûr, aura souhaité, en écrivant sa Pièce, de la porter à ce point de pureté et de perfection que la réforme demande à présent ; mais la crainte de déplaire l’a arrêté. […] Je pense donc que, pour rendre cette Pièce digne du Théâtre de la Réformation, il faudrait faire ce que Quinault eût fait s’il avait suivi son premier projet ; et qu’il suffirait que Lavinie et Albine ne parlassent jamais d’Agrippa et du Roi, que comme de leurs époux ; puisqu’en effet leur mariage était arrêté, et devait se conclure au retour des Princes, après leur expédition : pour lors tout ce qu’elles diraient (soit à propos d’amour ou de vengeance) serait autorisé ; et il n’y aurait rien à reprocher à la Pièce, si ce n’est peut-être quelques expressions de tendresse qu’il faudrait ou changer ou retrancher ; mais l’ouvrage serait très aisé : et nous avons déjà nommé bien des Tragédies dans la classe des Pièces à corriger, qui demandent un plus grand travail. […] Il semble d’abord que cette Pièce ne nous présente pas une passion d’amour, telle que nous la demandons pour le Théâtre de la réforme ; c’est-à-dire, une passion qui porte à de si grands excès qu’elle inspire l’horreur, et devienne par là propre à corriger et à instruire : cependant, si on y fait attention, on trouvera que cette première impression n’est pas conforme à la vérité.