Mais enfin Andronicus donna publiquement dans Rome des Fables qu'il jouait lui-même, et dont ces vieilles Satires lui prestèrent le fondement et l'invention ; et je ne vois pas pourquoi l'on a voulu deviner que ce fussent des Tragédies et des Comédies, car il est certain que ce n'en pouvait pas être ; c'étaient des Mimes, ou de petites Fables qu'il mettait en Vers, comme les Fableaux de nos vieux Poètes français, et qu'il dansait lui-même en sautant, chantant et touchant quelque instrument ; comme tous les autres Poètes de son temps, selon mêmes les termes de Tite-Live ; mais j'estime qu'il les fit avec plus d'art, et qu'il se rendit si célèbre qu'il en fut nommé l'Auteur ou le premier. […] Et comment eût-il été possible qu'il eût pu jouer seul, c'est-à-dire chanter et danser une Comédie ou une Tragédie toute entière ? […] Aussi Dion Cassius exagérant l'infamie des Jeux Juvénaux inventés par Néron, et qui n'étaient que des bouffonneries malhonnêtes, écrit qu'Ælia Catula, l'une des plus nobles et des plus riches femmes de Rome, âgée de quatre-vingts ans monta sur le Théâtre ; il ajoute que ce fut pour y danser et sauter, c'est-à-dire pour y faire la Mime, et non pas pour y jouer des Comédies, qui ne faisaient point partie de ces Jeux, comme il résulte encore des « Feminæ illustres deformia meditari. » Tacit. l. 14. […] Luceïa donc était une Mime ; c'est dire une Joueuse de ces petites pièces de Poésie, contenant quelques Fables ou quelques Moralités que l'on nommait aussi Mimes, et qui se dansaient avec la voix et les Instruments assez souvent par des hommes et par des femmes toutes « Luceïa Mima centum annis in scena pronuntiavit, Galéria Copiola Embolaria reducta est in scenam centesimum quartum annum agens pro miraculo. » Plin. l. 7. c. 48. […] Unde sit Embolaria mulier, id est Scenica. » nues avec des postures indécentes, et que le moindre sentiment de pudeur ne pouvait souffrir ; il ne faut que lire le grand Pline, qui lui donne cette qualité en termes exprès ; et Galéria était un Embolaire ou Bouffonne, c'est-à-dire du nombre de ces femmes Scéniques, qui venaient sur le Théâtre dans les intervalles des Actes, sauter et danser en bouffonnant, ce qu'on nommait Embola ou Intermèdes ; et si cet Apologiste eût pris la peine de lire les termes de Pline, ou qu'il en eût cherché la signification dans son Calepin, ou qu'il eût seulement jeté les yeux sur le commentaire, il n'aurait pas fait cette faute ; et bien loin de croire ces femmes fort honnêtes, comme il se l'est imaginé, il doit savoir qu'elles étaient l'opprobre du Théâtre, prostituées et louées à prix d'argent pour ce honteux exercice.