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25. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien cinquieme. Le danger de la Comedie en particulier, decouvert par le R. P. F. Guilloré de la Compagnie de Jesus. » pp. 67-79

N’est-on pas donc obligé de regarder au moins la comedie, comme un divertissement dangereux, puis qu’ils ont parlé de cette sorte de spectacle, comme d’une chose, capable de corrompre les mœurs les plus innocentes ? […] La vertu la plus severe ne s’en pourroit presque pas garantir, & vous voulez, que des gens, qui ne respirent que les plaisirs des sens, puissent être avec innocence parmi tant de dangereux apas, où ils se jettent encore, & se plaisent ? […] Mais comme vous pourriez vous retrancher, en me disant deux choses, & que ces pieces ne se joüent pas tous les jours, pour soüiller toûjours le theatre, & que toutes les personnes qui ont plus de Christianisme, ont coûtume de s’en abstenir ; je vous l’accorde, quoy que cela se pourroit assez disputer : Laissons donc ce theatre infame & libertin, pour vous mettre hors de combat : Mais revenons aussi à ce theatre, dont j’ay tantôt parlé, qui ne respire que l’air de l’amour, qui en enseigne si delicatement tous les leçons, & que vous voudriez bien justifier, disant que des bouffonneries impies ne s’y voyent point ; or sachez, que celuy-cy n’est gueres moins dangereux que l’autre. […] Elle n’est pas seulement à la jeunesse l’occasion de la perte de son ame ; mais il se peut dire, qu’elle est à presque tout le monde l’écueil le plus dangereux de la chasteté : il en est comme d’un vaisseau, qui étant déja tout fracassé, par la tempête, est rejetté encore parmi les bancs, & les rochers, pour achever davantage de se briser, en achevant son naufrage. […] C’est là justement, où je vous attendois ; Et moy je vous dis, Madame, qu’elles sont en quelque façon plus dangereuses a l’innocence, qu’elles n’étoint ; car autrefois l’innocence n’avoit garde d’en être interessée, puis que les personnes, qui avoient un peu de conscience, fuyoient le Theatre, comme un lieu de scandale, & de peché, & qu’on n’y voyoit, que celles, qui avoient perdu la conscience, & la pudeur.

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