/ 436
21. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « PENSEES SUR LES SPECTACLES. » pp. 1-12

Le grand écueil de tous les hommes, et surtout des jeunes personnes, est de vouloir éprouver si ce qu’on leur représente comme dangereux, l’est autant qu’on le dit. […] Les maximes qui y sont établies avec plus de soin, sont les plus conformes aux passions, et par conséquent les plus fausses ; et si le vice y est quelquefois condamné, c’est pour en justifier quelque autre plus éclatant, mais plus dangereux. […] Il n’y a donc rien de plus dangereux, quand il s’agit des mœurs, que de vouloir voir ce qu’on ne veut pas être : car on devient aisément ce qu’on regarde avec plaisir, puisque c’est le plaisir qui tourne le cœur ; et qu’il est impossible qu’il n’approuve pas ce qu’il goûte avec joie, et qu’il soit autrement disposé que ce qu’il aime. […] Il est vrai que peu de personnes connaissent tout le danger des passions, dont on n’est ému que parce qu’on en est le Spectateur ; mais elles ne causent guère moins de désordre que les autres, et elles sont encore en cela plus dangereuses, que le plaisir qu’elles causent, n’est point mêlé de ces peines et de ces chagrins qui suivent les autres passions, et qui servent quelquefois à en corriger : car ce qu’on voit dans autrui touche assez pour faire plaisir, et ne le fait pas assez pour tourmenter.

/ 436