Malgré la liberté qui regne dans les Opéra-comiques, ils sont moins dangereux que les drames dont l’intrigue & le dénouement ne sont pas d’un trop bon exemple, on s’y porte pourtant en foule, & nos prudes n’ont ni assez d’yeux, ni assez d’oreilles pour Isabelle & Gertrude. […] Vérité trop certaine que nous avons souvent inculquée, que le vice gazé, déguisé, enveloppé de quelqu’air de décence, est autant & plus dangereux que l’obcenité grossiere qui revolte par ses traits hideux. […] Mais, supposant avec lui que tout languit, que tout est triste sans les femmes, que le souverain bonheur est cette jouissance physique, & dans le fonds il est vrai que cet amour pur est bien rare, quoique les apologistes du Théatre nous aient quelquefois bercé de cette chimere, puisqu’en effet les femmes ne plaisent & ne cherchent à plaire que par les sensations, & qu’elles excitent les plus vives, surtout au Théatre, qui est le regne du seul plaisir physique, dont tous ses amateurs sont épris, que c’est leur vie, leur béatitude, qui les jette dans l’ivresse & le délire ; est-il moins vrai, dans les principes de la Religion, qu’il n’est pas permis d’exciter, de goûter, de désirer, d’attendre ce plaisir physique, d’y penser même volontairement, hors d’un légitime mariage ; par conséquent que le Théatre, où tout le fait naître, où tout s’en occupe, où tout s’en repaît, est le lieu du monde le plus dangereux pour la vertu, & où se commet le plus de péchés ? […] Le choix d’un tel Auteur, tant de travail pour mettre entre les mains de tout le monde un ouvrage dangereux, fait-il l’éloge de la religion, de la sagesse, de la vertu de son auteur ?