Ce mari était d’un naturel rude qui n’avait que sa besogne en tête, et ne pouvait être arraché sans violence de son enclume et de son marteau : La Dame au contraire était d’une humeur enjouée, et avait toujours un pied en l’air pour danser ; on crut qu’on ne les pouvait mieux réduire à un juste tempérament qu’en les mariant ensemble. […] L’humilité n’y fut jamais qu’en fantôme et en apparence : on y voit beaucoup de déférences et de cérémonies ; mais c’est la superbe qui les ordonne : C’est là où elle paraît avec plus de pompe : C’est le plus illustre théâtre de la vanité des Dames : elles empruntent de leurs amis, elle dérobent leurs maris pour avoir de quoi l’emporter au-dessus de leurs rivales ; si elles y donnent quelques témoignages de soumission, c’est pour cacher adroitement leur orgueil ; Elles y voudraient toutes luire comme des Astres, et y être considérées comme des Souveraines ; si elles reconnaissent que l’éclat de leurs compagnes les met en éclipse, elles en prennent tant de chagrin, que toutes leurs influences sont mortelles. […] Cet Elément se trouvant attaché à une matière combustible, car tout était de laine et d’estouppe, mit aussitôt tout en flammes : Tout ce qu’on put faire fut de sauver le Roi ; deux des Momons y laissèrent la vie, et si une Dame qui portait un grand manteau, ne se fut avisée d’en couvrir le Roi pour étouffer le feu qui commençait à se jeter sur lui, il était pour y demeurer avec les deux autres. […] François de Borgia étant encore Duc de Gandie, voulant se dérober à l’importunité des compagnies ; et se défendre du jeu et de l’entretien des Dames, qui sont les deux grandes occupations de ceux qui ne se peuvent occuper, ne trouvait point de plus spécieux prétexte que la Chasse : Il ne se peut dire combien Dieu, qui commençait à se communiquer à son cœur, lui fit connaître de belles vérités à cette occasion : Tout ce qu’il y voyait était une très utile instruction pour lui : Tantôt il considérait l’esprit que Dieu a donné à l’homme pour apprivoiser et dresser un oiseau, tantôt il pensait, comme quoi un Epervier, qui est d’un naturel farouche, et qui a si peu de tête, pouvait profiter des leçons qu’on lui fait ; on l’envoie parmi l’air comme un soldat armé pour livrer combat à d’autres oiseaux qui sont plus grands que lui.