Vous faites entendre, ma sœur, que le Projet ne détruira pas l’inconvénient de la séduction de la Beauté. […] On reproche au Cid, l’amour ; à Bérénice, de métaphysiquer l’amour ; à Pompée, l’amour ; à Mithridate, l’amour ; à Rodogune, l’amour, la jalousie, la vengeance : ici l’Auteur confond les mœurs mauvaises, avec les défauts du Drame : il est permis de mettre de mauvaises mœurs sur le Théâtre, si elles y sont présentées de manière à en donner de l’horreur ; c’est l’effet que produit Rodogune : mais c’est un défaut, de rendre Mithridate amoureux, ou du moins, amoureux comme il l’est : pour m’en convaincre, je n’ai pas examiné, je me suis contenté de sentir : la première fois que je vis représenter Mithridate, la Pièce m’intéressa grandement, jusqu’à cet endroit de la Scène III du II Acte : Toujours du même amour tu me vois enflamé : ce vers détruisit dans mon esprit toute la grandeur du Héros. […] Quant à ces contrastes entre la Grande & la Petite Pièce, ils sont quelquefois utiles, pour détruire cette même émotion dangereuse dont je viens de parler. […] ne voit-on pas que faire contraster le goût, les amusemens, les plaisirs d’un Peuple avec sa Religion & ses Loix, c’est chercher à détruire ces dernières ? […] Détruisons ces deux sources du mal, en nous procurant de dignes Acteurs, & rejetant toutes les Pièces libres ; en excitant nos Dramatistes, à nous donner des Pièces châtiées, à traiter mille sujets neufs qu’on n’a pas encore entâmés, à reprendre même ceux déja traités par les grands-Maîtres, tels que l’Ecole-des-Maris, l’Ecole-des-Femmes, l’Ecole-des-Mères ; à nous donner une Ecole-des-Epoux, des-Fils ; un nouveau Tartufe ; cette matière fournirait plutôt encore deux Pièces qu’une.