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16. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

On doit non seulement accomplir, mais chérir la loi, « quomodo dilexi legem tuam » ; non seulement éviter, mais haïr le péché, l'avoir en abomination, « iniquitatem odio habui et abominatus sum » ; non seulement ne pas rendre les armes à la passion, mais la combattre, l'éteindre, la détruire, l'arracher, s'il était possible, « persequar inimicos meos donec deficiant ». […] Ce n'est qu'avec la plus grande circonspection et l'avis d'un sage Directeur, qu'on permet ces épreuves factices aux âmes déjà éprouvées et toujours victorieuses ; et ce ne fut jamais pour goûter le plaisir de cette émotion, mais pour le détruire ; surtout en matière d'impureté, sur laquelle il n'y a pour tout le monde d'autre parti à prendre que la fuite. […] Le théâtre présente à des yeux Chrétiens un second spectacle plus ridicule que la comédie, et bien tragique pour ceux qui comptent la mort de l'âme pour quelque chose : une foule de personnes assemblées pour s'oublier et se perdre elles-mêmes, méprisant leur principe et leur fin, la raison et la vertu, pour se repaître de chimères ; détruire le langage et les sentiments de la religion, pour ne parler que celui de la passion ; au lieu de travailler à corriger leurs vices, ne faire qu'en rire, et étudier l'art de les augmenter. […] du moins ces maîtres du théâtre ne le détruiront pas. […] L'apathie stoïcienne est une chimère, le Sage sent comme un autre, et souvent plus qu'un autre, le plaisir et la douleur ; mais est-ce une gloire à l'esprit humain d'avoir inventé un art antiphilosophique, tout occupé à détruire ce que la raison a imaginé de plus parfait, à armer, à animer contre nous ce que la vertu nous ordonne de combattre jusqu'à la mort ?

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