Si donc il est arrivé que le libertinage des Acteurs ait donné quelque peine à la pudeur des Ames Chrétiennes, il ne faut en cela qu'imiter les Empereurs qui n'ont jamais rien prononcé contre ces représentations, et qui se sont contentés d'en réformer l'abus, et d'imposer des peines rigoureuses contre ceux qui par leurs désordres corrompaient l'excellence de cette Poésie et la beauté de sa représentation ; il en faut chasser le vice qui se doit faire haïr partout, et conserver un art qui peut plaire. […] les Comédies étaient représentées dans les Eglises ; et durant plusieurs années, on n'y trouva rien à redire, mais lors que les Ecclésiastiques entreprirent d'y paraître avec des masques et diverses bouffonneries indignes de la sainteté des lieux, Innocent III condamna ce désordre sans condamner ces représentations, ni même chasser ces Jeux de Théâtres hors des Eglises. […] Mais aujourd'hui les femmes d'honneur et de qualité s'y trouvent en foule avec toute liberté ; au lieu que celles dont le désordre a signalé la vie et le nom, n'osent plus y paraître que sous le masque, et dans un déguisement qui les condamne. Il est certain néanmoins que depuis quelques années notre Théâtre se laisse retomber peu à peu dans sa vieille corruption, et que les Farces impudentes, et les Comédies libertines, où l'on mêle bien des choses contraires au sentiment de la piété, et aux bonnes mœurs, ranimeront bientôt la justice de nos Rois, et y rappelleront la honte et les châtiments ; et j'estime que tous les honnêtes gens ont intérêt de s'opposer à ce désordre renaissant, qui met en péril, et qui sans doute ruinera le plus ordinaire et le plus beau des divertissements publics ; Car l'opinion des doctes Chrétiens, est que la représentation des Poèmes Dramatiques ne peut être condamnée quand elle est innocente, quand elle est honnête.