/ 216
42. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre V. Du Faste. » pp. 154-183

C’est le temple du Démon, ce sont ses fêtes & son culte, ce sont ses Prêtres & ses Prêtresses, & tous ses dévôts, ses sectateurs & ses esclaves. […] Cet esprit, ce goût de parure, ce génie inventif des modes ne fut jamais l’esprit de Dieu, mais l’esprit du démon, il favorise trop la tentation pour ne lui être pas agréable ; le démon tient le pinceau qui vous farde, il dirige l’œil qui en juge, il donne l’adresse à la main qui travaille, les couleurs sont ses armes, les rubans sont ses liens, les habits sont ses piéges. […] La tentation de la parure n’est que la répétition de la tentation du serpent qui perdit la première femme dans le Paradis terrestre ; l’espérance de son embélissement, le fruit défendu est agréable à la vue, il est délicieux au goût : ses attraits sans doute sont dangereux, mais ce ne sont pas les plus puissans ; le démon ne les fit pas valoir, ce ne sont pas ceux qui perdirent Eve ; l’amour de la beauté fournit contre elle bien d’autres armes : vous serez comme des Dieux par l’étendue de vos lumières, vous connoîtrez le bien & le mal. […] Je vous adore, vous êtes ma divinité, & le jargon de Cythère n’est précisément que le discours du démon, tourne de mille manières, & la coquetterie n’est que l’art de séduire l’homme après avoir été la première séduite. […] Renoncez aux pompes du monde, aux plaisirs de la chair, aux sugestions du démon ; j’y renonce, je le promets ; en exempte-t-on le fard & la parure ?

/ 216