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50. (1640) Traité des Spectacles des Gentils « SAINCT CYPRIAN DES SPECTACLES. » pp. 155-193

Que si la sainte Escriture n’a pas le pouuoir de desabuser vn Chrestiẽ, qu’au moins la honte d’auoir esté si long temps abusé le fasse reconnaistre ; & qu’il ne prophane plus l’Escriture, parce qu’elle est prudente ; elle s’accommode comme vne mere bien auisée à nos infirmitez ; elle donne quelquefois des commãdemens, quelquefois de simples conseils : & souuent ce qu’elle veut défendre est mieux défendu par son silence que par sa voix, quand sa modestie le veut ainsi ; si la verité y paroissoit tousiours nüe, elle auroit changé de nature, ayãt ses nourrissons en si mauuais estime. […] Mais pour reprendre nostre discours ; qu’est-ce que la sainte Escriture défend ? Ie dis qu’elle défend de voir ce qu’elle défend de faire. […] Passons à ces Comediens qui remplissent la scene d’impuretez & d’ordures ; sans mentir, i’ay honte d’estre icyleur accusateur, & la bien-seance de ma profession me défend de rapporter tous leurs discours, leurs abominations, & leur adresse à bien ioüer toutes sortes de personnages, on y commet mille ordures, on y apprend les intrigues dans les amours, les détours & subtilitez des amants dans leurs poursuittes, les finesses des adulteres pour abuser, le peu de resistance des femmes pour ne l’estre pas, les lasciuetez, les petits discours, les rendez vous, les messages, toutes ces momeries authorisées de l’agreement des impudiques, & ce qui m’estonne le plus, de la presence des plus affairez, des peres de famille, qui quittent froidement leur mesnage pour se treuuer au Spectacle, pour y folastrer, pour y faire les gaillards, & pour y donner à connaistre qu’ils n’ont pas encor esteint les feux de la ieunesse, bien qu’ils ne soient la plus-part que des souches à demi pourries, des stupides, & des hommes pour beaucoup de raisons, sans pudeur & sans honnesteté : Mais ce qui est plus admirable, c’est d’y voir toutes les conditions extremement maltraitées dans les discours, & de n’y voir personne qui en témoigne du ressentiment, qui ne se treuue au Spectacle, & qui ce semble ne tiene à gloire d’y estre ioüé par des insolents. […] On se presse pour auoir place dãs vn consistoire de l’impudicité ; de crainte que si on ne commettoit point de mal en public, on fût soupçonné de n’en pas assez commettre, ou dépecher contre les leçons qu’on en fait au Spectacle : car à la face des loix mesme, on enseigne la pratique de tout ce qu’elles défendent.

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